Didier Berberat
Conseiller aux Etats

Sécurité privée dans les trains : il est temps de tirer le signal d’alarme

Après le Conseil national ce printemps, le Conseil des Etats a décidé que les entreprises de transports publics pourront, à l’avenir, recourir à des agents de sécurité privée armés.

Ainsi, ces entreprises, notamment les CFF, société anonyme de droit public en main exclusive de la Confédération, confieront désormais des missions de sécurité à des polices privées.

Le Conseil des Etats a même refusé une proposition de notre camarade soleurois Ernst Leuenberger qui demandait à ce que les entreprises de transports aient une participation majoritaire dans le capital des entreprises privées de sécurité, ce qui, à nos yeux, était vraiment le minimum du minimum.

Nombreuses oppositions

Outre la Gauche, qui s’est naturellement opposée à cette privatisation, on trouve un certain nombre d’organismes qui rejettent le projet. Le spectre est très large, puisqu’il va de la Fédération suisse des fonctionnaires de police, à Amnesty international, en passant par le Syndicat du personnel des transports (SEV).

Aux yeux de ces organisations, cette externalisation, qui est un mot politiquement correct pour décrire en fait une privatisation, confier la sécurité à des organismes privés, c’est courir un risque certain de dérapage.

Le mécontentement concernant ce projet est si grand que la menace d’un référendum à même été proférée par la Fédération suisse des fonctionnaires de police. A nos yeux, et nous l’avons signalé, tant au niveau de la Commission des transports que du plénum du National, il s’agit d’une faute politique majeure du Conseil fédéral et de la majorité bourgeoise du Parlement. En effet, la situation dans ce domaine risque d’être dangereuse, puisque nous aurons à coup sûr dans les trains et les gares des agents de sécurité beaucoup moins bien formés que des policiers, à la gâchette facile, jouant les « Rambo », et ne connaissant que la répression, alors que les organes de sécurité ont aussi et avant tout un rôle de prévention évident à jouer.

On doit de plus signaler que Conseil fédéral, la majorité du Parlement et les CFF sont en grande partie responsables de la situation que l’on connaît actuellement dans certaines gares et dans certains trains. En effet, à force de vouloir réaliser à tout prix des économies ces dernières années en « rationalisant », les CFF ont, dans certaines régions, totalement déserté les gares et les trains où la présence des employé-e-s des CFF avait un rôle préventif et rassurant pour les usagers des transports publics.

Aujourd’hui, la frénésie à toujours vouloir réaliser des économies a pour conséquence que l’on va confier l’organisation de la sécurité des transports publics à des organismes de sécurité privés alors même que la police, qui est faite pour cela, est beaucoup mieux formée pour assumer cette tâche.

Début du démantèlement et contradictions

Il est d’ailleurs certain qu’il s’agit d’un test important de la part de la Droite pour mesurer la faculté d’opposition de la Gauche et des syndicats. En effet, si ce projet inique est adopté, la voie sera libre pour d’autres démantèlements et privatisations, qu’il s’agisse des transports ou d’autres domaines. A titre d’exemple, le projet de loi du Conseil fédéral sur la vignette autoroutière prévoit que la poursuite pénale et la répression seront attribuées à des organismes privés. Si cela continue, il n’est pas éloigné le temps où l’on verra des prisons et des écoles privées financées par l’Etat, tant est grande l’aveuglement néolibéral de la Droite de ce pays.

Si cela n’était pas aussi sérieux, on pourrait d’ailleurs s’amuser à constater que, parallèlement au phénomène décrit ci-dessus, on implore la collectivité publique afin qu’elle sauve des banques mal gérées par des personnes qui, il y a peu, se permettaient de « faire la leçon » aux politiques ou de voir que la Droite vient de déposer au Parlement une demande de moratoire concernant le prix de l’électricité après avoir frénétiquement voulu l’ouverture de ce marché et jouant ainsi au pompier-pyromane.

Le vote final sur cette question de sécurité dans les chemins de fer aura lieu en décembre et nous devons donc d’ores et déjà nous préparer à lutter par tous les moyens possibles contre cette privatisation. Il en va, à mon sens, de l’avenir d’une bonne part du service public dans notre pays.

Didier Berberat

Conseiller national

Note : cet article figure également dans "Le Point" de novembre 2008