Didier Berberat
Conseiller aux Etats

04.3366 - Interpellation

Déposé par : Didier Berberat
Date de dépôt : 13.06.2004
Déposé au : Conseil national
Etat actuel : Pas encore traité


Texte déposé :

Je pose au Conseil fédéral les questions suivantes: Concurrence et coopération 1. Le Conseil fédéral estime-t-il qu'il serait acceptable que tout ou partie du trafic voyageur soit assumé en Suisse par des entreprises étrangères dont la motivation essentielle est de maximiser leurs profits? 2. Le Conseil fédéral considère-t-il que le meilleur moyen d'éviter une prise de contrôle totale ou partielle du trafic voyageur par des groupes étrangers est d'avoir un marché ouvert à la concurrence en Suisse, avec l'égalité des chances pour les entreprises régionales? 3. Ces propositions, qui vont dans le sens d'une concentration, ne risquent-elles pas de susciter un appel d'air en faveur de la concurrence internationale, et de conduire ainsi directement à ce que l'on voudrait éviter? Trafic régional: 1. Comment le Conseil fédéral considère la création d'entreprises régionales polyvalentes regroupant différents acteurs de la région dont elles sont familières? 2. Notamment dans les régions dépourvues de RER, ce serait préférable à une concentration des entreprises en fonction du mode de transport et de l'écartement des rails, pour mettre sur pied des systèmes régionaux de transport cohérents; quelle est la position du Conseil fédéral à ce sujet? Trafic marchandise: 1. CFF Cargo est un nain en Europe, mais un géant en Suisse. Sa petite taille ne devrait-elle pas être considérée comme un atout face à des géants comme DB Cargo, qui sont ses principaux concurrents? 2. Comment CFF Cargo peut-il espérer être concurrentiel face à DB Cargo en assumant le trafic par définition pas rentable des wagons complets, y compris la desserte fine? 3. La stratégie actuelle de CFF Cargo ne risque-t-elle pas de déboucher sur un abandon de la desserte en surface, malgré ou à cause des mesures "d'optimisation" prises récemment? 4. Comment concilier l'objectif politique et constitutionnel du transfert du trafic de la route au rail alors que l'on a aucune garantie que le trafic de wagons complets continuera à desservir tout le territoire? 5. La Confédération dispose-t-elle de donner sur les conséquences régionales de l'augmentation de la taxe poids lourd, dans l'hypothèse où le trafic marchandise ferroviaire disparaît de certaines parties du territoire? 6. Comment la Confédération entend-elle jouer son rôle d'actionnaire des CFF, et de notamment CFF Cargo? 7. La Confédération est-elle consciente que la stratégie actuelle de CFF Cargo met en péril l'avenir de certaines lignes régionales, le plus récent exemple étant la ligne Porrentruy-Bonfol, où les CFF Cargo veut reprendre la desserte marchandise locale qui est assurée à meilleur compte par l'exploitant actuel, les Chemins de fer du Jura? 8. Le Conseil fédéral n'est-il pas d'avis que le meilleur moyen de disposer d'une entreprise de trafic marchandise concurrentielle en Suisse est de spécialiser CFF Cargo sur les missions où cette entreprise peut être efficace, soit le trafic à grande distance, et de profiter des entreprise régionales pour leur confier la desserte fine?


Développement :

Les CFF sont soumis à un contexte de plus en plus difficile: la libéralisation des marchés ferroviaires va probablement se poursuivre, et les pressions financières venues des collectivités publiques s'accentuer. Une stratégie claire est de plus en plus nécessaire pour cette entreprise. Schématiquement, une entreprise de transport peut se donner 2 stratégies: a. la stratégie de l'entreprise polyvalente sur un territoire donné, ou b. la stratégie de spécialisation sur des activités données, mais plus sur un territoire. Il est aussi évident que les marchés des transports sont multiformes (trafic marchandise, avec ses nombreuses catégories: wagons complets, trains complets, combiné, trafic voyageur, subdivisé en trafic à longue distance et trafic régional) et que ces différents marchés ne suscitent pas une réponse unifiée. En outre et toujours d'une manière générale, il s'agit de trouver un équilibre entre les avantages d'un système cohérent et les avantages issus de l'introduction d'une certaine dose de concurrence. Il s'agit aussi d'éviter l'erreur faite trop souvent en Suisse de protéger un champion national pour le laisser s'affirmer face à la concurrence internationale. L'exemple de Swissair est assez clair à ce sujet. Paysage ferroviaire suisse: Les propositions relatives à l'allure future du paysage ferroviaire suisse vont dans le sens d'une concentration massive, avec un nombre très restreint d'entreprises à voie normale et à voie étroite. On sait que les coûts des fusions sont très élevés, et qu'elles produisent souvent des résultats décevants. Une approche plus pragmatique ne serait-elle pas préférable, avec la possibilité de recourir à d'autres solutions, telles que des entreprises intégrées régionalement, et regroupant des exploitants ferroviaires, du trafic urbain et de trafic routier? Trafic voyageur: Pour le trafic voyageur à longue distance, les choses sont relativement claires: l'existence d'un système cohérent à l'échelon national est indispensable, ce qui justifie la présence d'une entreprise maîtrisant l'ensemble du domaine. En trafic régional, les choses sont moins évidentes: la connaissance du terrain est un atout indispensable, et il n'est pas du tout dit qu'une entreprise de dimension nationale soit la plus à même de répondre à tous les besoins. Trafic marchandise: Les choses sont plus complexes pour différentes raisons, et notamment le fait que c'est dans ce domaine que les mesures de libéralisation sont allées le plus loin, même si certains effets secondaires sont surprenants, et qu'à l'exception du trafic combiné, ce trafic n'est pas au bénéfice d'indemnités de la part des collectivités. Une libéralisation aux effets paradoxaux: le trafic par trains complets a été libéralisé, alors que le trafic, moins intéressant en terme d'économie d'entreprise, mais significatif en volume, des wagons isolés fait l'objet maintenant d'un monopole des CFF. D'autre part, les CFF eux-même se battent pour assurer l'intégralité de ce trafic, avec des résultats étonnants, tel l'abandon de ce trafic peu après sa reprise par les CFF sur la ligne RBS au départ de Soleure. En d'autres termes, les concurrents des CFF ont été soulagés du trafic le moins rentable, et peuvent consacrer toute leur énergie au trafic des trains complets, alors que les CFF sont de plus en plus empêtrés dans des marchés locaux qu'ils ne connaissent pas. En outre, les clients sont totalement déstabilisés par les restructurations incessantes de CFF Cargo. A relever que dans de nombreux pays où le trafic marchandise a été libéralisé, sans compter les Etats-Unis, les dessertes fines et terminales sont souvent confiées avec succès à des entreprises régionales, très flexibles, bien ancrées dans leur milieu.


Bulletin officiel - les procès-verbaux


Compétence :

Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

Cosignataires :

Daguet André - Dormond Béguelin Marlyse - Fässler-Osterwalder Hildegard - Garbani Valérie - Günter Paul - Janiak Claude - Jutzet Erwin - Kohler Pierre - Leuenberger Ueli - Levrat Christian - Maillard Pierre-Yves - Menétrey-Savary Anne-Catherine - Rennwald Jean-Claude - Rey Jean-Noël - Rossini Stéphane - Roth-Bernasconi Maria - Salvi Pierre - Savary Géraldine - Sommaruga Carlo - Vaudroz René (20)