Didier Berberat
Conseiller aux Etats

01.3711 - Interpellation

Déposé par : Didier Berberat
Date de dépôt : 05.12.2001
Déposé au : Conseil national
Etat actuel : Liquidé


Texte déposé :

Le 25 octobre 2001, le Conseil fédéral rendait publique sa décision d'octroyer 22 concessions à des maisons de jeux dans toute la Suisse et de refuser 20 requêtes, suivant en cela la recommandation de la Commission fédérale des maisons de jeux. On peut affirmer que cette décision a provoqué une certaine grogne, voire une grogne certaine en Suisse romande du fait que toutes les demandes de concessions présentées par la Romande des jeux (un casino A et quatre casinos B) ont été rejetées par le Conseil fédéral. Une bonne partie de la population romande ne comprend pas les raisons qui ont motivé ce choix de préférer octroyer des concessions à des casinos privés, tous en mains étrangères, plutôt que de permettre à la Romande des Jeux, qui est l'émanation de tous les cantons romands, d'exploiter des maisons de jeux. De plus, au niveau national, tous les projets publics ont été rejetés, sauf celui de Lugano qui est mixte. L'attribution de concessions de casinos à la Romande des Jeux aurait permis en effet à celle-ci de redistribuer tout son bénéfice à des oeuvres d'intérêt public, qu'elles soient sociales, culturelles ou sportives, destinées à la population romande, alors qu'avec sa décision, le Conseil fédéral permet à ce qu'une bonne partie des bénéfices partent à l'étranger. Enfin, on peut s'étonner du fait que Neuchâtel soit le seul canton romand à ne pas avoir de casino alors que certains cantons suisses en ont deux, voire trois. Au vu de ce qui précède, je pose au Conseil fédéral les questions suivantes: 1. Quels ont été les critères de choix qui ont présidé à l'octroi de concessions en Suisse romande à des casinos privés au détriment de tous les projets publics? Et pourquoi dans le reste du pays tous les projets publics ont-ils été rejetés? 2. En prenant cette décision, le Conseil fédéral a-t-il estimé qu'en donnant ces concessions à des privés, il aurait une garantie de meilleure gestion des casinos? Et le Conseil fédéral n'estime-t-il pas, en regard de l'affaire Swissair, que sa décision peut être interprétée comme une privatisation des bénéfices potentiels et une nationalisation des déficits en ce qui concerne Swissair? 3. Le Conseil fédéral peut-il nous indiquer quelle est la composition politique de la Commission fédérale des maisons de jeux et si, à son sens, un équilibre entre les différents partis a été respecté? 4. Est-il possible de faire une corrélation entre le domicile des membres de la commission et les projets qui ont été retenus? 5. Les critères mentionnés dans l'ordonnance qui demandent que chaque maison de jeu réalise 25 millions de francs de revenus bruts et soit située dans une région à vocation touristique ont-ils été respectés dans tous les cas? 6. Le Conseil fédéral est-il prêt, dans un souci de transparence, à publier la liste des personnes faisant partie des organes des 22 maisons de jeux qui ont été retenues, dans le cadre de la réponse à la présente interpellation?


Réponse du Conseil fédéral (27.02.2002) :

A juste titre, la loi fédérale sur les maisons de jeu (LMJ) ne prévoit pas de critères distincts selon la nationalité ou le caractère public ou privé des ayants droit économiques des maisons de jeu. Quels que soient ses actionnaires, un casino doit assurer une gestion rigoureuse et transparente, présenter une planification financière solide et une rentabilité suffisante et mettre en place des mesures permettant de lutter contre le blanchiment d'argent et de prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu d'argent. C'est à ces conditions que les autres objectifs de l'article 2 LMJ - la promotion du tourisme et l'apport de recettes au fonds de l'AVS/AI et aux cantons - sont susceptibles d'être atteints de manière durable et optimale. Dans l'évaluation des 63 projets soumis, la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) reprit les critères des articles 12 et 13 LMJ. Inspirés en partie de la législation bancaire, ceux-ci se distinguent entre critères déterminants (activité commerciale irréprochable des actionnaires, origine licite des fonds, financement et rentabilité suffisants, indépendance de la gestion et programme de mesures sociales) et critères secondaires (impact économique régional, mesures de sécurité, procédures internes, etc.). A la lumière des analyses et des propositions de la CFMJ, le Conseil fédéral choisit, le 24 octobre dernier, les projets auxquels il entend octroyer une concession de maison de jeu, en tenant compte de l'exigence d'une répartition régionale équilibrée de l'article 9 LMJ, selon les lignes directrices publiées le 23 décembre 1999. Le Conseil fédéral put constater que les projets de la Romande des Jeux s'avérèrent généralement inférieurs à leurs concurrents directs à l'aune des critères évoqués ci-dessus. L'affectation de principe des bénéfices d'exploitation, quand bien même ce critère est absent de la LMJ, fut bel et bien prise en compte dans l'évaluation globale des projets. Toutefois, le Conseil fédéral n'estima pas que ce seul aspect justifiait le rejet d'autres projets, plus convaincants à l'aune de la plupart des critères légaux. Aussi le Conseil fédéral est-il en mesure de répondre comme suit aux questions posées par l'auteur de l'interpellation. 1. Le Conseil fédéral n'accorda aucun traitement particulier, favorable ou défavorable, aux projets détenus par des collectivités publiques. Au demeurant, trois des sept projets de grands casinos retenus - Baden, Lucerne et Lugano - présentent un actionnariat à participation publique prédominante, voire majoritaire. 2. Le Conseil fédéral considère que c'est en fondant ses choix sur les qualités propres des projets soumis qu'il assure au mieux le respect des objectifs fixés par le Parlement. Quant au produit de l'activité des futurs casinos, il faut souligner qu'il permet de financer au premier chef le versement de l'impôt sur les maisons de jeu et les importantes dépenses d'investissement et d'exploitation exigées par la législation (mesures sociales, systèmes de sécurité, lutte contre le blanchiment, etc.). 3. La CFMJ est composée de sept personnalités indépendantes, nommées par le Conseil fédéral avant tout en raison de leurs compétences particulières (fiscalité, tourisme, blanchiment d'argent, mesures sociales, etc.). Les régions du pays et les sensibilités politiques y sont cependant représentées de manière parfaitement équilibrée. 4. Il est vrai qu'avec 22 maisons de jeu, la Suisse présentera une densité élevée de casinos par habitant en comparaison internationale et que, partant, la plupart des habitants de notre pays résideront à proximité d'un casino. Le Conseil fédéral ne voit toutefois pas comment le domicile des membres de la CFMJ aurait pu influencer de quelque manière que ce soit tant les résultats d'une procédure d'évaluation conduite durant une année avec le soutien de cinq instituts universitaires que les décisions du gouvernement lui-même. 5. Conformément à la loi, et comme en témoignent ses choix, le Conseil fédéral a effectivement tenu compte de la vocation touristique des projets soumis, particulièrement en ce qui concerne les projets de casinos de type B. Ni la loi ni l'ordonnance n'exigent cependant un chiffre d'affaires minimum de 25 millions de francs: au contraire, l'article 80 de l'ordonnance sur les maisons de jeu fixe le taux de l'impôt sur les maisons de jeu de type B à 40 pour cent jusqu'à un chiffre d'affaires de 10 millions de francs, le taux marginal progressant de 1 pour cent par million de francs supplémentaire. 6. La législation sur les maisons de jeu exige une transparence absolue, non seulement de la part des organes, mais également et surtout des ayants droit économiques et des partenaires commerciaux des sociétés concessionnées; cette transparence porte tant sur l'identité que sur la situation financière, les procédures civiles et pénales, les déclarations fiscales et l'ensemble de l'activité commerciale des personnes physiques et morales concernées. Cette exigence fut intégralement respectée par les projets retenus et restera en vigueur durant toute la durée de l'exploitation. Quant aux membres des organes des sociétés concessionnées, ils peuvent être consultés dans les registres du commerce et une publication supplémentaire paraît dès lors superflue.


Chronologie (24.09.2003) :

Liquidée.


Bulletin officiel - les procès-verbaux


Compétence :

Département de justice et police

Cosignataires :

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