Didier Berberat
Conseiller aux Etats

ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles

Rapport concernant la coexistence des libertés, des cultures et des religions

par : Mme Victoire Lasseni-Duboze (Gabon) M. Didier Berberat (Suisse) M. Ousseni Tamboura (Burkina Faso) M. Razvan Emil Theodorescu (Roumanie)

L’affaire des caricatures du prophète Mahomet, qui a éclaté d’une manière très violente à la fin du mois de janvier 2006, a également interpellé les parlementaires de l’APF qui siégeaient à ce moment-là en bureau à Nouméa.

L’APF, qui comprend des Etats pratiquant les religions chrétiennes et l’Islam ne pouvait pas rester insensible à la question fondamentale de cette coexistence pacifique des libertés, des cultures et des religions (liberté de conscience et de croyance).

Comme on l’a vu, certains des pays appartenant à l’APF et pratiquant la religion islamique ont été très choqués par ces caricatures, au nombre de douze, qui étaient, il faut bien le dire, de très mauvais goût. Ce qu’il faut rappeler au préalable, c’est que l’APF a pour but de favoriser le dialogue des cultures. Or, ce dialogue passe par la tolérance et la compréhension mutuelle, par la conscience de ses propres racines et le respect des autres modes de pensée.

En même temps qu’ils accroissent notre rapport à la liberté, les développements de l’économie globalisée et des moyens de communication rendent quotidiens les contacts entre les différentes cultures. Dans ce monde interconnecté, l’encouragement au dialogue interculturel prend donc toute sa signification. Outre l’affaire des caricatures, différents faits d’actualités récents doivent nous inciter à mieux comprendre le rapport à la religion de certaines communautés tout en réaffirmant notre intransigeance sur le respect de certaines valeurs universelles telles que le droit à la liberté d’expression. Ainsi, quels qu’aient pu être ses propos, il n’est pas concevable que le philosophe français Robert Redeker soit aujourd’hui contraint de vivre dans la clandestinité après avoir reçu des menaces de mort suite à une tribune libre publiée dans le journal français Le Figaro. Même si l’oeuvre a finalement été jouée, on ne peut aussi que regretter la première décision du Deutsche Oper de Berlin qui avait d’abord choisi de déprogrammer un opéra de Mozart (« Idoménée ») par peur de représailles de certains milieux islamiques fondamentalistes. Nous aurions tort cependant de nous arrêter uniquement sur les rapports parfois conflictuels entre l’Islam et la liberté d’expression. Les fortes réactions de certains courants chrétiens suite à des récentes productions cinématographiques, telle que la « Passion du Christ » du réalisateur Mel Gibson et le « Da Vinci Code » du romancier Dan Brown attestent également d’un conflit latent entre liberté d’expression et liberté religieuse.

Le présent rapport analyse la coexistence nécessaire mais potentiellement conflictuelle de la liberté d’opinion et de la liberté religieuse à la lumière de la récente « affaire des caricatures ». Les contributeurs du rapport ont plus particulièrement étudié la situation existante dans leurs pays pour rédiger ce texte. Celui-ci est basé sur un précédent rapport de synthèse de M. Didier Berberat (Suisse), Président de la sous-commission de l’éducation, rédigé sur la base des contributions des parlementaires francophones Mme Victoire Lasseni-Duboze (Gabon), M. Ousseni Tamboura (Burkina Faso) et M. Razvan Emil Theodorescu (Roumanie). Ce rapport de synthèse a été discuté et amendé lors de la réunion du Bureau de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles qui a eu lieu à Saint-Pierre (Vallée d’Aoste) du 26 au 28 novembre 2006. Ce nouveau rapport se termine par quelques recommandations à l’intention de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. A nos yeux, celle-ci a un rôle essentiel à jouer dans la promotion du dialogue entre les cultures et les religions, point qui, comme nous le verrons, apparaît comme étant au centre de la problématique qui nous occupe ici.

Sans trop entrer dans le détail, on peut dire que l’origine de « l’affaire des caricatures » est la publication de dessins satiriques par le journal danois « Jyllands-Posten », classifié dans la droite musclée de l’échiquier politique de ce pays. Ces douze caricatures, dont une représentait le prophète Mahomet, vêtu d’un turban en forme de bombe, sont la réponse de douze dessinateurs à un écrivain danois se plaignant que personne n’osait illustrer son livre sur Mahomet depuis l’assassinat du cinéaste néerlandais Théo van Gogh, le 2 novembre 2004. Les dessins illustraient d’ailleurs un article consacré à l’autocensure et à la liberté de la presse qui a paru le 30 septembre 2005 et qui a été repris pour la première fois par un journal égyptien le 17 octobre de la même année.

Mis à part le fait que les caricatures faisaient notamment un amalgame entre islamisme et terrorisme, les réactions très violentes, voire disproportionnées, enregistrées dans le monde musulman concernaient également le fait qu’il existe dans certains courants de l’Islam une interdiction de représenter « Le Vivant » et tout particulièrement Mahomet. Ce courant de pensée justifie cette interdiction par la crainte que ces figures ne servent de support à des idolâtres. La doctrine sunnite interdit en particulier la représentation des choses et des personnes saintes, ce qu’on appelle l’aniconisme. Il n’y a toutefois pas unanimité au sein des différents courants de l’Islam, notamment chez les chiites, et certaines personnalités du monde islamique estiment qu’il n’y a pas de tabou particulier à représenter le Prophète. Signalons par ailleurs qu’il existe plusieurs adaptations modernes du Coran en bande dessinée, sans protestation particulière, bien qu’elles ne soient pas diffusées dans certains pays de la péninsule arabique. De plus, cet interdit, pour autant qu’il fasse l’unanimité, ne semble en lui même pas pertinent pour condamner des dessins faits par des non-croyants.

La réaction de certains milieux musulmans à la publication de ces caricatures a été d’une violence inouïe, ce qui ne peut être que condamné par les pays attachés à la liberté d’expression et qui sont habitués à une certaine culture du dialogue. Des organes musulmans officiels ont d’ailleurs apporté une réponse paraissant à la fois équilibrée et critique. Ainsi, le 22 février 2006, l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) affirmait que la « Fatwa » lancée par les fondamentalistes afghans contre les caricaturistes danois « va à l’encontre de l’essence de l’Islam ». Quelques jours plus tard, le 1er mars 2006, le Secrétariat général de l’Organisation à Jeddah, en Arabie Saoudite, a par ailleurs réaffirmé le « droit universel à la liberté d’expression » tout en appelant chacun « à exercer ce droit de manière responsable et à ne pas s’en servir comme prétexte pour inciter à la haine ou offenser les croyances les plus solides d’une communauté ». En même temps qu’il réaffirmait le droit de manifester pacifiquement, ce communiqué exhortait aussi chacun à « résister à la provocation, à éviter les réactions intempestives et à recourir au dialogue ».

Selon le gouvernement suisse (Conseil fédéral), qui a eu à répondre à une série d’interpellations au Parlement fédéral au sujet de « l’affaire des caricatures », la liberté d’opinion et la liberté de religion (liberté de conscience et de croyance) sont deux libertés fondamentales universelles que l’on doit défendre dans n’importe quelle situation. L’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) affirme que « la libre communication de ses pensées et de ses opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En effet, comme la plupart des droits humains, la liberté de religion et la liberté d’expression peuvent également être restreintes à certaines conditions. Les articles 18 et 19 du Pacte des Nations Unies, relatifs aux droits civils et politiques stipulent, entre autres, que ces droits peuvent être soumis à des restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires au respect de la sécurité, de l’ordre, de la moralité publique ou des droits et libertés fondamentaux d’autrui. La position du Conseil fédéral suisse est que ces libertés fondamentales exigent une tolérance et un respect mutuels et que seuls le dialogue et l’écoute sont de nature à permettre la compréhension réciproque entre les sociétés et les cultures. C’est pourquoi, la Suisse s’engage, dans le cadre de sa politique des droits humains, pour le respect de ces droits, le dialogue entre toutes les parties, ainsi que la tolérance et le respect mutuels. En aucun cas, la violence et les menaces ne sauraient constituer des moyens acceptables, raison pour laquelle le ministère suisse des Affaires étrangères a d’ailleurs publiquement exprimé sa vive préoccupation face aux manifestations de violence qui ont accompagné la controverse sur les caricatures.

La Suisse est, avec les pays scandinaves notamment, un des pays où la liberté de presse est très grande et où les pouvoirs publics font preuve d’une extrême réserve dans ce domaine. A l’inverse, on sait fort bien qu’un certain nombre de pays accordent une liberté d’expression très réduite à la presse et, chaque fois que cela est possible, le gouvernement suisse mène un dialogue avec ces pays sur la problématique du respect de cette liberté. De plus, la Suisse intervient au niveau diplomatique pour défendre des personnes qui, pour avoir exprimé librement leur opinion, sont victimes de violation des droits humains.

L’article 77 de la Constitution du Royaume du Danemark indique que « Chacun a le droit de publier ses idées par la voie de la presse, par écrit, ou par la parole, mais sous sa responsabilité devant les tribunaux. La censure et autres mesures ne pourront jamais être rétablies ». Nombreux sont les pays qui possèdent un article constitutionnel proche. La liberté de la presse y est toujours garantie, néanmoins des dispositions visant à préserver l’ordre public et certaines règles morales peuvent s’appliquer. Ces règles s’inspirent directement des principes ancrés à l’article 11 de la DUDH. Il existe donc souvent des restrictions juridiques à la liberté d’expression pour éviter des préjudices moraux ou une atteinte au respect de l’altérité.

Comme le rappelle M. Razvan Emil Theodorescu, il est fréquent que la presse elle-même se donne des règles de bonne conduite. Ainsi, le « Code allemand de la presse », daté de 2001, mentionne que « les éditeurs et les journalistes doivent être conscients de leur responsabilité vis-à-vis du public et de l’obligation que leur donne le prestige de la presse ». Aux Etats-Unis, le « Code des rédacteurs en chef » de 1975, revu en 1994, fustige « les journalistes qui, pour des raisons égoïstes, abusant du pouvoir que leur donne leur profession, trahissent la mission que leur a donné le public » et précise que « le bon journaliste doit faire preuve d’équité, d’exactitude, d’honnêteté, du sens des responsabilités, d’indépendance et de décence ».

L’analyse des droits nationaux en Afrique noire et du Nord, qui sont eux aussi inspirés du droit international, démontre que les principes relatifs à la liberté d’expression et à ses limites sont également valables dans ces législations. Le caractère non absolu du droit à la liberté d’expression est affirmé. Des restrictions à cette liberté sont justifiées lorsqu’il est question de la sécurité nationale, de l’ordre public ou de la protection des droits fondamentaux de la personne humaine.

En Afrique, le régime du droit à la liberté d’expression et de celui de la presse dépend de la nature et du traitement juridique de la religion. Sur la base de ses recherches, M. Ousseni Tamboura propose de distinguer trois grandes catégories de régimes : a) les pays où la religion et l’Etat sont étroitement liés, c’est-à-dire lorsqu’une religion dominante occupe une position juridiquement sans équivoque (République Islamique par exemple) ; b) les pays qui observent une stricte séparation entre la religion et l’Etat (pays ayant proclamé la laïcité de l’Etat). M. Tamboura relève à ce propos qu’en Afrique, la plupart des pays même laïques où il existe une communauté musulmane sont membres de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) ; c) les pays dans lesquels la religion et l’Etat sont séparés mais où, du fait de la grande domination d’une religion donnée ou d’un groupe culturel, la religion ou la coutume entretient des liens étroits avec l’Etat (dans ces pays, le rôle de la religion ou des chefferies traditionnelles est valorisé). M. Tamboura précise toutefois qu’il est fort probable que les réalités de certains pays ne se retrouvent pas dans cette classification.

L’existence de ces différents régimes permettent de mieux comprendre certaines des réactions observées dans « l’affaire des caricatures » même si aucune ne saurait à nos yeux excuser les débordements violents auxquels nous avons assisté.

Pour M. Tamboura, la question fondamentale qu’il convient de poser est de savoir si la liberté d’expression devrait être restreinte pour satisfaire la sensibilité des groupes religieux. Il apporte à cette interrogation la réponse suivante : la liberté d’expression doit respecter les croyances religieuses tout en ne subissant pas de restrictions autres que celles déjà énumérées par le doit international et les droits nationaux. Il ne sied donc pas que la liberté d’expression soit restreinte au profit des sensibilités religieuses. Pour justifier sa réponse, M. Tamboura avance les arguments suivants :

Selon M. Tamboura, il est donc juste et nécessaire de définir l’équilibre à atteindre pour que la liberté d’expression respecte et serve la liberté religieuse et la liberté de croyance. Les parlementaires, en tant qu’échantillon représentatif des nations et des communautés et en tant que législateur sont moralement et opportunément sollicités pour encourager un dialogue interculturel et interreligieux pour une paix et un progrès de notre humanité. Les appels au dialogue sur les limites du concevable et du correct entre les médias et les religions dans leurs rapports devraient mobiliser l’essentiel de nos moyens pour sauvegarder les peuples et l’humanité.

L’analyse du cas du Gabon est elle aussi extrêmement intéressante car elle permet d’appréhender le concept même de liberté sous un angle nouveau.

Mme Victoire Lasseni-Duboze relève que, chez nombre de peuples du Gabon, le concept de liberté renvoie à l’idée d’autonomie personnelle, d’indépendance et de libre-arbitre. La liberté est désignée sous des vocables précis au sein des nombreux groupes ethnolinguistiques du Gabon. Elle n’est donc pas une abstraction mais une représentation concrète, une aspiration réelle. La claire vision qu’ont les Gabonais des libertés culturelles explique dans leur histoire le traumatisme vécu du fait de la colonisation, voire de l’émergence des conceptions religieuses inconnues jusqu’alors par les populations autochtones.

Selon Mme Lasseni-Duboze, la liberté chez les Gabonais tire son sens profond dans la tradition et plus particulièrement dans les us et coutumes du groupe clanique ou tribal d’appartenance. Dans ce concert de représentations spécifiques du monde, le régime des interdits est au sceau des prescriptions sacrées. La liberté prend alors la signification de respect d’un ordre préétabli. Avec ou sans un relent religieux, la liberté devient source de cohésion, de bonheur, de communion, d’épanouissement individuel et collectif. A l’opposé, la transgression de la liberté, au sens traditionnel, devient synonyme de désintégration du corps social, d’exclusion voire d’infortune. Cette vision de la liberté peut paraître anodine et archaïque lorsqu’elle et appréhendée sous le prisme de la culture occidentale. Elle est pourtant le tremplin par lequel les Gabonais, et la plupart des Africains, se sont adaptés à la conception moderne de l’Etat, avec ses lois, ses institutions et ses droits et libertés.

En tant que membre de la société internationale, le Gabon a proclamé dans sa loi fondamentale, son attachement aux libertés consacrées par la révolution française (1789) et par la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Ceci ne devrait pas être considéré comme un élément allant simplement de soi car, malgré l’universalité des dispositions de cette déclaration et des valeurs qu’elle réaffirme, elle est clairement le produit d’une culture et d’une histoire.

Pour les Gabonais, les libertés sont des droits synonymes d’acquis précieux dont la seule évocation dans la loi comporte une force préventive contre les abus ou le silence coupable. Le chemin pour la liberté a été long pour les Gabonais, notamment avec les épisodes de la Coloniale, du Parti unique et des douleurs de l’enfantement, en 1990, de la deuxième génération de la démocratie pluraliste. Le devoir de mémoire oblige les Gabonais à se réjouir du fait que la Constitution actuelle ait consacré un grand nombre de libertés pour inaugurer une ère nouvelle et consolider le processus démocratique amorcé.

La Constitution gabonaise garantit ainsi une série de libertés politiques parmi lesquelles on peut citer le droit de vote, le droit d’éligibilité, le droit de créer un parti ou une formation politique, la liberté d’expression, la liberté d’opinion et la liberté de manifestation. La démocratie du Gabon repose sur le principe de laïcité. Il en va de même pour le système éducatif qui vise à apprendre aux jeunes Gabonais à développer un esprit critique, loin de toute emprise idéologique, en distinguant la religion de la morale qui est enseignée à l’école. Les programmes éducatifs sont conçus de façon à dispenser une instruction civique dont le contenu permet de familiariser les enfants avec les principes de la démocratie, de la République ainsi qu’avec les Droits de l’Homme.

Les libertés religieuses sont également consacrées par la Constitution du Gabon. Chacun possède ainsi le droit de choisir sa religion, de pratiquer un culte, de choisir un enseignement religieux pour son enfant, de créer un établissement confessionnel ou encore de créer et de gérer une communauté religieuse. Depuis 1990, on peut constater au Gabon un foisonnement des églises et lieux de culte qui rivalisent avec les grandes religions monothéistes et les groupes animistes relevant de la tradition et de la culture. Pour Mme Lasseni-Duboze, il est nécessaire de procéder à la régulation des différents cultes exercés au Gabon. Le risque réside aujourd’hui dans la confusion qui constitue une menace à la liberté de l’exercice du culte. Le Gabon estime que la prolifération des croyances est susceptible de créer des problèmes à l’Etat. Il faudrait donc canaliser et maîtriser les flux, c’est-à-dire contrôler le contenu des messages tendant à créer une instabilité. L’Etat est donc amené à créer un cadre juridique propice aux statuts des religions, des associations culturelles et des sectes. Le Gouvernement doit s’atteler à réguler la liberté du culte à cause des excès constatés depuis l’avènement de la démocratie en 1990.

Concernant la liberté d’expression, celle-ci jouit aujourd’hui au Gabon d’une entière protection. Il suffit de consigner le nombre d’organes de presse écrite et de communication audio-visuelle existants pour s’en convaincre. Le souci des gouvernants est que la liberté de communication rime avec professionnalisme et responsabilité. C’est pourquoi un Code de déontologie a été adopté par les organes de communication à l’appui de la régulation suprême qu’exerce le Conseil National de la Communication (CNC) mis en place par l’Etat. Toutefois, des hommes de presse reprochent au CNC d’intervenir au-delà de ses compétences en infligeant des sanctions administratives aux journalistes et aux organes de presse, radios et télévisions. Ses plénières sont perçues comme des audiences d’un tribunal d’exception. Cet environnement aurait, entre autres, précipité la faillite de plusieurs organes de presse au Gabon. Selon Mme Lasseni-Duboze, ces mesures sont pourtant salutaires en raison de l’hypothèque qu’une certaine conception de la liberté de la presse fait peser sur les autres libertés comme le droit à l’intimité personnelle, la liberté d’opinion, la liberté religieuse, le droit au secret des correspondances et des communications, le droit à une famille protégée et enfin le droit de la jeunesse à une protection contre l’exploitation et l’abandon moral et intellectuel.

S’agissant de la liberté religieuse, Mme Lasseni-Duboze est d’avis que le dispositif de régulation pour sa coexistence plus ou moins harmonieuse avec les autres libertés reste encore à imaginer au Gabon.

Comme dans nombre de systèmes juridiques, les libertés et droits fondamentaux font l’objet au Gabon d’une protection spéciale par le recours aux juridictions compétentes. Au plan des principes constitutionnels, le juge protège les citoyens contre les atteintes à la Constitution par la censure des textes qui violeraient notamment les libertés et droits fondamentaux prévus et consacrés par la loi suprême. Au plan pénal, le juge sanctionne les atteintes contre la chose publique, notamment l’ordre public. Il est aussi juge des atteintes contre les personnes et leur intégrité physique et morale ainsi que des atteintes à leurs biens, notamment leur propriété et leur activité. La sanction consiste en des amendes et en des peines d’emprisonnement ferme avec ou sans sursis. Si la plupart des délits et crimes constituent d’une manière ou d’une autre des atteintes aux libertés et droits fondamentaux, toutes les atteintes ne sont pas encore prises en compte par le code pénal. Il y a là un vide juridique qui devra encore être comblé par les législateurs.

Selon Mme Lasseni-Duboze, les délits d’opinion sont devenus très rares au Gabon car la liberté politique y est totale. Néanmoins, le délit d’opinion est souvent amalgamé avec des délits de droit commun commis pendant ou à l’occasion d’une activité politique. Ce lien connexe a créé une jurisprudence au Gabon quant au traitement de ce genre de situation ambivalente. En effet, ce sont les atteintes et dommages subis qui sont sanctionnés sous forme d’indemnisation. Formule prudente et transitoire pour une démocratie qui prône l’apaisement et exhorte au respect des libertés de manière pédagogique.

Pour Mme Lasseni-Duboze, la combinaison de la liberté d’expression et de la liberté religieuse soulève deux grandes questions. Du point de vue historique, nous sommes en droit de nous demander si les peuples colonisateurs avaient le droit d’opprimer les peuples africains, de les museler, alors qu’ils venaient de pays de liberté. D’un point de vue idéologique, il convient de se demander si la liberté acquise dans une culture, elle-même excroissance d’une croyance ou d’une religion, doit servir de prisme pour appréhender, saisir et évaluer d’autres cultures, d’autres doctrines de la liberté et d’autres religions. Pour Mme Lasseni-Duboze, la « loi de Dieu » n’atténue pas la liberté de l’homme et encore moins ne l’élimine ; au contraire, elle la protège et la promeut. Allant pourtant dans un sens bien différent, certaines tendances de la culture actuelle ont suscité de nombreux courants dans l’éthique qui placent au centre de leur réflexion un prétendu conflit entre la liberté et cette loi.

Pour revenir au cas suisse, il convient de rappeler, car cela est très souvent oublié, que l’histoire de ce pays a été parsemée de violentes et sanglantes confrontations dues à la religion. La Suisse moderne, créée en 1848, est issue du dernier conflit de ce genre. M. Didier Berberat signale que c’est précisément la modernité - le respect de l’individu et de ses droits, dûment inscrits dans la Constitution fédérale - qui a fait que le Sonderbund (conflit entre cantons catholiques et protestants, qui s’est terminé par une victoire de ces derniers), est resté l’ultime conflit religieux dans ce pays. Dans cette rédaction de la modernité, on a surtout visé d’abord la paix religieuse. C’est en 1874, à l’occasion de la nouvelle Constitution fédérale qui remplaçait celle de 1848, que la liberté religieuse a pris l’aspect individuel qu’on lui connaît.

L’article 15 de la Constitution de 1999 (troisième Constitution fédérale) garantit la liberté de conscience et de croyance (liberté religieuse). Il a son pendant dans l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. La question de savoir si le texte de 1999 élargit celui qu’on trouvait dans la Constitution de 1874 est controversée. A la religion, il ajoute en effet les convictions philosophiques. Quoi qu’il en soit, tout individu a le droit de professer sa foi, individuellement ou avec sa communauté, indépendamment de l’importance de cette dernière. Il a le droit de le faire par des actes de culte, en s’habillant d’une certaine manière (par exemple en portant un foulard islamique), en interdisant à une jeune fille de se présenter en maillot de bain devant des personnes de l’autre sexe ou en respectant des règles alimentaires. Il a le droit qu’on ne lui impose pas des actes ou un enseignement religieux.

La liberté religieuse implique-t-elle qu’on ne soit pas critiqué par autrui et que certaines règles importantes de sa propre religion soient respectées par les adeptes des autres religions ? La mise « sous cloche » des religions, en traquant ceux qui se permettent de douter de leur bien-fondé, ne remet pas seulement en cause la liberté d’opinion mais également la liberté de religion. Celle-ci, d’une part, protège aussi les athées, les agnostiques, les sceptiques et les indifférents; d’autre part, elle suppose que chaque religion a le droit de se considérer comme étant la meilleure et de le faire savoir. Mais de quel droit une religion pourrait-elle s’ériger au-dessus des autres et vouloir imposer par la force et la censure ce qu’elles considère comme étant sa vérité aux partisans d’autres croyances ?

Si l’Etat allait jusqu’à faire d’une règle faisant partie du credo d’une religion une règle générale valable pour le pays entier, par souci de respecter cette religion, il sortirait là aussi du cadre des droits individuels, en portant un coup à la liberté religieuse et à la liberté d’opinion. Plus concrètement, en décrétant qu’il n’est pas admissible de faire des dessins ou des caricatures du Prophète Mahomet en arguant du fait que de telles représentations sont interdites par l’Islam, ce qui reste encore à démontrer dans tous les cas, l’Etat remettrait en cause l’un de ses fondements.

Cela ne veut cependant pas dire qu’il n’existe pas de dispositions au niveau pénal. La laïcité d’un Etat suppose en effet une neutralité positive, en ce sens qu’il est de son devoir de protéger les religions et ceux qui les pratiquent. La protection des individus étant centrale, l’Etat possède aussi le devoir de protéger les adhérents d’un mouvement religieux des éventuels abus dont ceux-ci pourraient être victimes (escroqueries, abus de confiance, mise en danger de la santé personnelle, etc.).

Si la plupart des pays possèdent une législation visant à protéger les individus des agissements de différents groupes ou mouvements, il arrive aussi souvent qu’ils soient dotés de lois destinées à protéger les religions contre le fait de particuliers. M. Berberat relève ainsi qu’en Suisse, cette protection est prévue par les articles 261 et 261bis du code pénal ainsi que dans la loi sur la radio et la télévision.

L’article 261 du code pénal suisse punit de l’emprisonnement pour six mois au plus ou de l’amende celui qui, « publiquement et de façon vile, aura offensé ou bafoué les convictions d’autrui en matière de croyance ». Cet article fait partie du code pénal depuis l’unification du droit pénal en Suisse en 1942. Il figure dans le titre protégeant la paix publique. Il est peu utilisé par les tribunaux. Pour le cinéma, par exemple, on l’appliquera si le film dans son ensemble veut bafouer les convictions religieuses d’autrui. Pour un tableau, les tribunaux ont considéré que l’auteur avait agi « de façon vile » en peignant un cochon sur la croix du Christ.

L’article 261bis, qui est une norme plus sévère, a été introduit en 1995 à la suite d’une votation populaire fédérale destinée à permettre à la Suisse d’adhérer à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. S’il s’était agi de religion seulement, cette disposition n’aurait sans doute jamais vu le jour. Elle punit d’emprisonnement ou de l’amende les comportements suivants lorsqu’ils visent une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse: inciter à la haine ou à la discrimination; propager publiquement une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer systématiquement; organiser ou encourager des actions de propagande; abaisser ou discriminer publiquement, par le parole, l’écriture, l’image ou le geste, d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine.

M. Berberat constate avec la Doctrine juridique que cette disposition est assez restrictive pour qu’on ne jette pas en prison tout dessinateur de presse. Un dessin de Mahomet, même de très mauvais goût, ne pourrait, à son sens, pas être poursuivi sur cette base, les musulmans n’étant pas abaissés « d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine ». Si on a pu - et que certains peuvent encore - s’interroger sur la justification de l’article 261bis, on doit considérer que la restriction à la liberté d’opinion en particulier n’est pas disproportionnée à condition que les tribunaux continuent à lui donner l’interprétation voulue par ses auteurs.

Mis à part ces deux dispositions, en Suisse, l’Etat ne dispose d’aucun autre moyen pour réagir à des articles de presse ou à des dessins en matière de religion.

Toutefois, M. Berberat signale qu’il y a encore une autre possibilité d’intervenir en Suisse si l’on considère le cas des médias électroniques. Comme le veulent l’article 93 de la Constitution fédérale et la loi sur la radio et la télévision qui s’y rattache lorsqu’ils parlent de la surveillance des programmes, une telle surveillance se justifie en particulier lorsqu’il s’agit de diffuseurs dits de service public. Ces diffuseurs ont des droits et des obligations qui font qu’on doit pouvoir s’interroger sur la manière dont ils respectent les grands principes guidant la confection des programmes, parmi lesquels on range la défense des valeurs culturelles importantes.

Depuis qu’elle a été créée en 1984, l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP) a toujours considéré que le respect des convictions religieuses faisait partie de ces grands principes. Mais elle a également admis que seuls les contenus essentiels de la foi méritaient protection. Les institutions et les personnes, eux, y échappent. C’est ainsi que l’AIEP a admis les moqueries les plus violentes ou même scabreuses contre le Pape ou un évêque suisse. En revanche, elle est intervenue contre une émission satirique montrant un prêtre s’approchant d’une cage de singes, une banane à la main qu’il faisait passer pour une hostie.

Depuis 2003, l’AIEP est un peu plus libérale. Concernant une émission satirique de la Radio suisse romande traitant assez crûment la résurrection du Christ de poisson d’avril, l’AIEP a estimé que seules les atteintes notables à des contenus essentiels de la foi sont désormais illicites et que l’atteinte, en l’occurrence, était atténuée par divers facteurs. A été considéré comme atteinte notable un sketch ridiculisant l’eucharistie et chacun de ses actes, en montrant à la fin le prêtre utilisant un spray buccal.

Selon l’article 35 de la Constitution fédérale, « les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux ». Les dispositions susmentionnées sont donc justifiées. Selon M. Berberat, le tout est de ne pas les interpréter au point de faire du religieux un terrain totalement tabou, par la force de la jurisprudence et de l’autocensure qui pourrait s’installer. On constate donc que si, en Suisse, un procès avait eu lieu concernant ces caricatures, les auteurs n’auraient très probablement pas été condamnés par la justice.

Souvent, le problème se pose lorsque le fondamentalisme, qui montre une intolérance agressive, répond à un manque de culture religieuse évident, comme cela a été le cas pour les auteurs de ces caricatures. Dans ce cas, nous estimons qu’il faut en appeler à la conscience, à l’éthique des caricaturistes et des faiseurs d’opinion. S’ils s’expriment au mépris de ce qui fonde les croyances, cela est très regrettable. Toutefois, il existe des recours démocratiques, notamment les tribunaux et les juridictions compétentes. De même, la liberté de réunion devrait être garantie dans la constitution de tout pays démocratique. Il est donc tout à fait possible pour les membres d’une communauté se sentant atteints dans leurs croyances et valeurs de manifester leur désaccord en toute légalité pour autant que cela se fasse de manière pacifique. Aux yeux du Droit, rien ne permet en revanche de légitimer les gestes de violences et les appels à la haine observés à la suite de « l’affaire des caricatures ».

M. Razvan Emil Theodorescu rappelle que le mouvement francophone comprend principalement deux grandes religions monothéistes, le christianisme et l’islamisme, avec des confessions et des branches différentes (catholicisme, protestantisme, orthodoxie, doctrine chiite, doctrine sunnite) qui doivent se connaître et se comprendre d’une manière réciproque. Le droit de libre expression, inviolable, doit s’arrêter au seuil des croyances intimes qu’il ne faudrait jamais offenser par le manque de culture. Car le récent conflit autour des caricatures découle d’une triste et fâcheuse rencontre : celle de l’inculture de quelques journalistes scandinaves avec l’absence de culture et de civilité de meneurs islamistes du Proche Orient.

Il est donc du devoir de l’APF d’appeler les milieux concernés à prendre conscience des dégâts qu’ils pourraient occasionner en agissant de la sorte, en relevant qu’à notre sens, la liberté de presse ne peut être limitée que par les normes pénales. Il serait d’ailleurs judicieux qu’un certain nombre de pays s’en rendent compte et adoptent une attitude plus ouverte en matière de liberté de presse et d’opinion. Nous rappellerons que si des dérives ont eu lieu en Europe occidentale dans ce cadre-là, dérives d’ailleurs plus éthiques qu’illicites, les réactions qui ont été enregistrées dans certains pays du monde musulman étaient encore plus condamnables et totalement disproportionnées. A notre connaissance, un seul éditorialiste musulman (un Jordanien) a osé se demander si les bombes humaines n’étaient pas plus préjudiciables à l’Islam que quelques mauvaises caricatures dans un lointain petit pays. Il a, malheureusement pour la liberté d’opinion, été emmené en prison. On voit donc qu’une des solutions destinées à tenter de vivre en meilleure harmonie est la tolérance et la compréhension mutuelle. A notre sens, l’APF devrait ainsi s’engager à promouvoir le dialogue entre les religions aussi bien au niveau des leaders et responsables religieux qu’entre les différentes communautés de pratiquants. M. Razvan Emil Theodorescu souhaite ainsi saluer l’engagement pris récemment par les responsables de l’Eglise catholique d’Angleterre d’enseigner d’autres religions, dont l’Islam, dans des écoles catholiques, dans le but de promouvoir la tolérance religieuse. Selon lui, de telles démarches devraient être encouragées auprès des collectivités publiques.

Dans cet ordre d’idée, notre Commission devrait adopter une résolution demandant à ce que les pays membres de l’APF réfléchissent à la mise sur pied de programmes scolaires destinés à mieux faire dialoguer les cultures et les religions ainsi qu’à sensibiliser les élèves aux droits de l’Homme.

A titre d’exemple, M. Berberat signale que, depuis la rentrée d’août 2003, les écoles secondaires du canton de Neuchâtel en Suisse ont introduit pour les élèves de la 6e à la 9e année (correspondant au cycle français de 6e à 3e) des cours de cultures religieuses et humanistes dans le cadre des leçons d’histoire. Ces cours ont été demandés par une motion déposée en 1996 par des députés au Parlement cantonal (Grand Conseil) qui estimaient que l’école, lieu de formation, devait également apprendre aux élèves le discernement qui permet de distinguer, mais aussi de tolérer, des religions différentes de celles qui sont reconnues par l’Etat (à Neuchâtel, l’Eglise protestante et les Eglises catholique romaine et catholique chrétienne). Tout en soulignant qu’il appartenait d’abord aux familles et aux Eglises elles-mêmes d’éduquer, d’informer et de permettre d’acquérir des convictions spirituelles, les députés ont estimé que pour offrir une égalité de traitement à l’ensemble de la jeunesse, il incombait à l’école de mettre en évidence que la connaissance du monde passe aussi par la connaissance du pluralisme religieux.

Le Gouvernement cantonal (Conseil d’Etat) a répondu positivement à cette motion, en indiquant qu’il mesurait les risques d’incompréhension et d’agressivité présentés par une méconnaissance des religions. A son sens, il appartient à l’école de prendre en compte et de rendre accessible la connaissance des fondements culturels, historiques et sociaux, y compris des cultures religieuses, afin de permettre à l’élève de comprendre sa propre origine et celle des autres, de saisir et d’apprécier la signification des traditions et le sens des valeurs diverses cohabitant dans la société dans laquelle il vit. L’école doit être un lieu où l’élève doit être respecté, quel que soit son âge, son origine et sa provenance et un espace où l’enfant fait l’apprentissage de la connaissance d’autrui, afin de veiller qu’aucune tendance discriminatoire ne puisse jamais s’y développer.

Cet enseignement des cultures religieuses et humanistes, qui aborde les trois grandes religions du Livre, mais aussi d’autres religions, doit permettre de jeter les bases d’un véritable dialogue des cultures, thème qui est un des piliers centraux de l’APF. En apprenant à connaître et à comprendre les divers courants religieux et philosophiques qui ont façonné les idées et les modes de vie des sociétés à travers le temps, nous donnons aux élèves les clés indispensables leur permettant de déchiffrer l’histoire de notre monde. Aussi auront-ils plus facilement du recul par rapport à l’actualité immédiate et pourront disposer de repères importants.

On sait que dans bon nombre de pays, la culture religieuse est devenue très mince, pour ne pas dire inexistante. Le fait d’enseigner ces cultures religieuses et humanistes, sans aucun esprit de prosélytisme, devrait permettre aux jeunes, qui sont les adultes de demain, de cohabiter plus harmonieusement entre eux, alors que dans les pays du Nord, l’immigration est assez forte et que dans beaucoup d’autres pays, plusieurs religions et ethnies cohabitent sur le territoire du même Etat. Ces cours devraient également permettre à ce que les tensions religieuses entre les différents Etats de notre planète soient moins vives, puisque l’intolérance est toujours le résultat de l’inculture et de l’ignorance.

Enfin, à notre sens, il apparaît que l’école, en tant que passage obligé, ou dans tous les cas majoritaire, pour toute la jeunesse de la Francophonie, pourrait représenter un lieu idéal où pourrait se développer les comportements basés sur le dialogue et l’ouverture. D’une manière plus générale, il paraît important que l’APF et la Francophonie tout entière s’investissent dans la promotion des échanges interreligieux et interculturels ainsi qu’entre les journalistes et les religieux. Il convient avant tout de combattre l’ignorance en encourageant la découverte de l’autre.

En raison de la forte influence française dans l’adoption de la DUDH, l’APF se doit de réaffirmer son attachement aux valeurs universelles et à la diversité culturelle et religieuse. En effet, la DUDH, votée en 1948, est largement inspirée de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. La DUDH qui affirme le principe d’universalité de certains droits (y compris la liberté d’expression et celle religieuse), reconnaît la nécessité pour tous les pays, nations et régimes politiques de respecter scrupuleusement les droits fondamentaux de l’homme. En raison de la large adhésion à cet instrument juridique, tous les pays musulmans ou chrétiens, laïques, développés ou sous-développés devraient garantir une bonne coexistence de toutes les libertés fondamentales énoncées. Etant l’un des rares textes dont sa version en français est un original officiel signé par les membres fondateurs de l’ONU, la DUDH mérite toute l’attention de l’APF en tant que source légitime de toutes les libertés fondamentales.

PS : M. Berberat remercie M. Denis Barrelet, journaliste parlementaire et Professeur de droit des médias aux Universités de Neuchâtel et de Fribourg, pour son appui en ce qui concerne la partie juridique de cette contribution (cf notamment son article sur la liberté religieuse et le droit de critiquer dans la revue Médialex).