Didier Berberat
Conseiller aux Etats

La raison l'a emporté. Le Comité international olympique (CIO) a finalement retiré sa demande d'être exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée (NA), qui avait été acceptée par le Conseil fédéral, suivi en cela par le Conseil des États. On peut donc tourner la page sur cet épisode peu glorieux pour les autorités fédérales. Il n'en demeure pas moins que, dans cette affaire, le Conseil fédéral et notamment Adolf Ogi ont fait preuve d'une incroyable maladresse. La première erreur du Conseil fédéral a été de décider, le 16 septembre 1998, d'exonérer le CIO de la TVA. Pour octroyer ce cadeau fiscal qui d'environ 2 millions de francs par an, l'Exécutif n'a pas hésité à recourir à l'article 102, chiffre 8 de la Constitution, qui lui permet de prendre des mesures afin de veiller aux intérêts de la Confédération au dehors, disposition d'exception qui a, par exemple, été utilisée pour le gel des avoirs du dictateur Marcos. Là où le bât blesse, c'est que le Conseil fédéral admet lui-même dans une réponse à une question socialiste que, pour rendre une telle décision, il doit y avoir une nécessité objective et un intérêt public prépondérant ainsi qu'une urgence dans le temps. Or, comment le Conseil fédéral a-t-il pu estimer qu'il y avait un intérêt public prépondérant à ce privilège injustifié, alors que beaucoup d'organismes humanitaires qui remplissent pourtant un rôle éminemment utile doivent payer la NA? Au surplus, on se demande comment le gouvernement a pu justifier une urgence, quand on sait que cela faisait plus de 4 ans que le CIO demandait cette exonération, jusque là sans résultat? Le Conseil fédéral a commis une autre bévue lorsqu'il a autorisé M. Ogi à prendre la présidence du comité de candidature de Sion 2006. Connaissant la personnalité et le caractère impulsif du ministre des Sports, le gouvernement aurait dû se rendre compte qu'il était inévitable que des problèmes surgissent, ce d'autant plus qu'aucun cahier des charges ne lui a été assigné. Ce mélange des genres et le fait de porter plusieurs casquettes — la dernière comme chroniqueur de l'Illustré et du Blick— nuit, selon moi gravement, à la crédibilité de M. Ogi et, par ricochet, à celle du Conseil fédéral dans son entier. Les membres de la Commission de l'économie et des redevances du National ont pu se rendre compte des résultats désastreux de cette confusion des rôles. Lors de sa séance du 25 janvier, ils ont assisté à une scène surréaliste, puisque M. Ogi, sans y être convié, s'est invité à la séance, afin de soutenir la proposition d'exonération pour le CIO, qui ne dépend pas de son départe-ment, mais de celui de M. Villiger. M. Ogi y a clairement affirmé qu'un refus de ce privilège fiscal aurait pour conséquence que Sion n'obtiendrait pas les Jeux d'hiver 2006. Tenir ce genre de propos, qu'il a répété devant les médias, alors que les scandales de corruption éclaboussent le CIO, relève de l'inconscience de la part d'un ministre de la Confédération. Le problème est qu'avec ce mélange des genres, on n'a pas encore compris si nous avions en face de nous un membre du Conseil fédéral, le président du comité de candidature de Sion 2006 ou encore un candidat à un poste important au sein du CIO!' Le retrait par le CIO de sa demande d'exonération de la TVA, sous la pression de l'opinion publique, représente un grave désaveu pour Adolf Ogi et le Conseil fédéral. Espérons qu'ils sauront en tirer la leçon, afin d'éviter que leur crédibilité ne soit encore plus entamée.