Didier Berberat
Conseiller aux Etats

Non à l’initiative de l’ASIN sur les droits populaires

Le 17 juin, le peuple et les cantons auront à se prononcer sur l’initiative de l’ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre) intitulée « Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère, la parole au peuple ! ».

L’ASIN, rappelons-le, est une officine proche de l’UDC qui estime que les politiciens suisses, à l’exception de ceux de l’UDC, naturellement, sont des personnages peu recommandables qui veulent livrer notre pays, pieds et poings liés, à l’Union européenne ou à d’autres institutions ou organisations tout autant maléfiques à ses yeux, dans le but de porter atteinte à notre indépendance et à notre neutralité.

C’est la raison pour laquelle l’ASIN, partant du principe que le peuple est bien plus isolationniste et raisonnable que ses élus, a déposé une initiative populaire fédérale qui vise à élargir les cas dans lesquels les accords internationaux importants seront soumis obligatoirement au vote du peuple et des cantons.

À première vue, cette initiative, même si elle émane des milieux xénophobes, pourrait être considérée avec quelque sympathie, surtout du moment qu’il est politiquement incorrect de vouloir limiter les droits populaires.

À y regarder de plus près, on constate toutefois assez rapidement qu’il serait dangereux d’accepter cette modification de notre Constitution fédérale. C’est pourquoi tous les partis représentés au Parlement fédéral, sauf l’UDC bien entendu, ainsi que les milieux économiques en préconisent le rejet.

Le système actuel fonctionne bien. Chaque année, la Suisse signe plus de 500 traités internationaux. La plupart, souvent de nature technique, complexes, n’ont pas de portée majeure ; la Constitution et la loi donnent pouvoir au Conseil fédéral et à l’administration fédérale de les conclure. Les accords qui règlent des questions importantes sont du ressort des Chambres fédérales. Sur les 20 à 40 traités qu’il conclut chaque année, le Parlement en soumet une vingtaine au référendum facultatif, soit parce que le traité est d’une durée indéterminée et n’est pas dénonçable, soit parce qu’il contient des règles ayant la portée d’une loi ou qu’il prévoit l’adhésion de notre pays à une organisation internationale. Enfin, le référendum est obligatoire si la Suisse souhaite adhérer à une communauté supranationale comme l’Union européenne ou à une organisation de sécurité collective comme l’OTAN ; tel a été le cas pour l’ONU.

L’acceptation de l’initiative mettrait le Conseil fédéral et les Chambres fédérales devant de grandes difficultés. En effet, comme le texte ne définit pas la notion de traité international important et que la Constitution ne règle pas cette question, il appartiendrait aux autorités fédérales de trancher. Une discussion et des conflits sans fin sur la question de savoir si un traité requiert le référendum obligatoire ou non seraient donc inévitables.

De plus, l’initiative multiplierait les votations sur des sujets techniques et, pour la plupart, incontestés. Selon une étude récente, la Suisse devrait voter annuellement en moyenne sur 8 traités supplémentaires. Or, on le sait, le nombre d’initiatives et de référendums ne cesse de croître. Dire oui à cette initiative-là risquerait de paralyser notre processus démocratique et d’accroître le taux d’abstention, ce qui pourrait tuer ou du moins amoindrir notre démocratie.

Enfin, accepter cette initiative affaiblirait la Suisse et son gouvernement dans les négociations internationales puisque planerait sans cesse l’épée de Damoclès du risque de voir des négociations réduites à néant par une votation populaire influencée par des arguments démagogiques renforcés par les moyens financiers énormes dont dispose l’UDC, avec des conséquences graves pour l’économie et les emplois dans notre pays. Plutôt que de chercher à tout prix à isoler notre pays, il serait judicieux que l’ASIN, si elle souhaite vraiment renforcer les droits populaires, propose un référendum fédéral en matière financière, ce qui nous permettrait de nous prononcer directement sur l’achat de nouveaux avions de combat !

Didier Berberat

conseiller aux États